Pour l'enrayer il faut barrer la route à Mme Royal et au programme socialiste.
En novembre Mme Buffet avait d'abord imposé sa candidature à son propre parti, qui l'a investie à 96 %. Désormais, elle l'a également fait avaliser formellement par les comités "antilibéraux", obtenant le soutien de 55 % des quelque 800 collectifs locaux issus du non à la constitution européenne de 2005.
Aussi invraisemblable que cela puisse paraître la secrétaire nationale du parti communiste va donc se poser en candidate "unitaire" d'un courant dont elle a fabriqué artificiellement la division.
Stéphane Rozès de l'institut CSA analyse ainsi la situation :
"Le fait d'avoir le vote d'une majorité de collectifs ne suffit pas, il faut agréger une dynamique autour de soi. Mme Buffet, qui plafonne actuellement à 3 % dans les sondages, devra disputer les voix de la gauche radicale à Arlette Laguiller de Lutte ouvrière (3 %) et Olivier Besancenot de la LCR (4 %). Un candidat commun antilibéral, comme José Bové, aurait pu espérer un score de l'ordre de 10 %. Les candidatures multiples pourraient au contraire faire l'affaire du PS en renforçant le vote utile." (1)
Pour comprendre une telle démarche, apparemment suicidaire de la part de Mme Buffet, il faut connaître tant soit peu la réalité du communisme, c'est-à-dire ce que Jules Monnerot osait appeler sa Sociologie.
Le vieux vêtement stalinien rétréci et rapiécé n'a pas changé d'étoffe.
Son entreprise totalitaire agit partout selon la même logique, au Venezuela aujourd'hui comme hier en Tchécoslovaquie.
Quant au PCF, il n'a jamais changé ni de nom (2), ni d'appareil, ni non plus de complices.
Or la "simple visite", tout de même très prolongée, du simple témoin Villepin au pôle financier de la Rue des Italiens ce 21 décembre, achève de déblayer le terrain. En tout cas elle affaiblit considérablement l'hypothèse d'une candidature chiraquienne surprise en janvier.
Et le ralliement officiel de gens comme Douste-Blazy et Juppé confirme que le candidat de la droite institutionnelle sera probablement celui que le PCF déteste le plus et avec lequel les vieilles passerelles fonctionneront le moins. Que les chiraquiens et les communistes savonnent consciencieusement sa route désormais, pour se préparer à l'élection de Ségolène Royal, est donc une évidence.
Ne nous focalisons pas sur les seuls résultats électoraux. Ils n'auraient de sens que si les communistes étaient des démocrates, ce qu'ils ne sont pas.
Le parti communiste est passé, de 1946 à 2006, en 60 ans à une influence électorale de 36 % des voix à une audience stricte de l'ordre de 3,6 %. Cela ne l'a pas empêché pas de conserver une sorte de "priorité morale", ni de continuer à conquérir, par exemple dans les années 1980 via la CGT le contrôle du comité central d'entreprise de la SNCF, quand Fitermann était ministre des Transports, ou au milieu des années 1990, via la FSU, la majorité syndicale au sein de l'Éducation dite "nationale", le plus gros employeur du monde.
Et c'est toujours le parti communiste qui censure les manuels scolaires, qui établit les listes noires médiatiques, et décide en définitive ce qui est politiquement correct, historiquement licite et ce qui ne l'est pas.
La tactique actuelle de Mme Buffet est donc finalement assez simple à comprendre. Elle tend à faciliter la tâche de Mme Royal, à empêcher qu'une trop vigoureuse campagne de premier tour, campagne qui mettrait trop l'accent sur les fractures idéologiques au sein des forces de gauche, puisse avoir pour conséquence de paralyser le regroupement de l'électorat de gauche au second. Mme Buffet offre donc sur un plateau d'argent à Mme Royal, qui fera figure de seule candidate crédible, un électorat d'extrême gauche réduit à la division sinon à la dérision. En échange, le parti communiste garde la perspective de conserver encore, contre toute réalité électorale en pourcentage, un groupe parlementaire dans la prochaine Assemblée, et peut-être même, à nouveau, deux ou trois ministres dans un futur gouvernement de "gauche plurielle".
En même temps, il s'agira de "gauchir" suffisamment le programme socialiste. Ceci pourra amener Mme Royal si elle est élue, et si elle dispose d'une majorité dans la prochaine assemblée (le cas inverse ne s'est jamais produit depuis 1958) à une rupture plus ou moins accentuée, et plus ou moins durable avec l'Europe.
Dans l'état actuel on peut évaluer à hauteur de 100 milliards d'euros le coût du programme socialiste. L'addition des "promesses" plus ou moins sincères de M. Sarkozy et des "menaces" plus crédibles encore de M. Borloo représenterait déjà environ 40 milliards d'euros ; si ce dernier programme est, en lui-même probablement inapplicable, on doit redouter encore plus la mise en pratique, et même l'aggravation initiale, de la première plateforme imposée par les "éléphants" du PS avant même la désignation de leur tête d'affiche. De toute façon, cela excède de beaucoup les capacités de l'État central parisien dans le contexte des accords de Maastricht et de la monnaie unique. Le parti communiste compte bien tirer profit de cette contradiction, en exploitant et en manipulant tous les ressorts de la dialectique "souverainiste".
Bien entendu, il existe des résistances à un tel scénario.
La division systématique des droites, dont le sectarisme d'un Chirac et l'arrogance des technocrates portent une part essentielle de responsabilité, peut et doit être surmontée.
La condition essentielle sera de désigner le véritable adversaire et de barrer la route à Mme Royal.
(1) cf Dépêche AFP du 21 décembre à 18 h 17.
(2) L'adoption officielle par la SFIC "section française de l'Internationale communiste" de l'appellation de "parti communiste français" ou PCF remonte à l'époque où ce parti est entré dans la Résistance, c'est-à-dire postérieurement à la rupture en juin 1941 de l'alliance Hitler-Staline.
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