On ne saurait dire que le multi référendum italien des 8 et 9 juin ait trop focalisé l'attention des médias français. Ni avant le vote, pendant la campagne, ni après, quand les résultats officiels ont été connus, on n'aura vu nos concitoyens hexagonaux se passionner pour le dossier du débat lui-même. Il pourrait bien pourtant annoncer un tournant majeur de la vie politique européenne.
Quant à l'interprétation de la victoire, saluons au moins ici le JDD News. L'hebdomadaire fait exception, titrant sur ce qu'il appelle dans sa couverture « la méthode Meloni ». Le texte est daté du 10 janvier à 18 heures, en vue d'une mise en kiosque le lendemain. Le lecteur est interpellé par une souriante photo de la fondatrice de Fratelli d'Italia. Ceux des Français qui constatent et déplorent le déclin national, y sont invités à découvrir « comment la présidente du Conseil italien redresse son pays ».
Parallèlement, conviendra-t-il d'observer à court terme que l'Europe franco-allemande appartient au passé. Les dirigeants parisiens y ont cru, depuis l'entente De Gaulle-Adenauer scellée en 1962 et en vertu du traité de l'Elysée de 1963. Un nouvel équilibre et une nouvelle dynamique tendent aujourd'hui à y succéder. L'avenir se basera sur un autre attelage. La France macronienne, plombée tant par son incapacité à réformer ses finances comme irréformables que par son secteur public obèse, y sera de plus en plus reléguée en troisième position... en attendant de voir la Pologne prendre à son tour son envol...
Cette réalité semble échapper encore à nos prétendues élites administratives, technocratiques et, en partie, militaires, au regard desquelles, entre autres, l'Italie ne passe pas pour un pays sérieux.
Notons au hasard au matin du 12 juin, que, parmi les quelque 94 centres d'intérêts, affichés par Le Figaro en page d'accueil de son site internet, il ne figurait pas encore un seul titre d'article, pas une seule mention du voisin et partenaire transalpin. Il faut attendre le 13 pour voir apparaître un bon article. Intitulé « Catholique de droite et libérale, la méthode gagnante de Giorgia Meloni », il fait la première page du Figaro Magazine. Beaucoup plus significatif encore : « L’Italie, le nouvel eldorado des exilés fiscaux français » figure parmi les préférés des lecteurs.
Jusque-là, tout au plus avait-on vu Le Monde, en ligne le 9 juin à 21 heures, déplorer l'événement du jour dans les termes suivants : « En Italie, les référendums sur la naturalisation et le droit du travail, voulus par l’opposition, échouent ». Et le quotidien parisien de référence de distiller sous la signature de son correspondant à Rome Allan Kaval un texte de 800 signes, aussi fielleux que peu éclairant. Plus réaliste, au contraire, Les Échos en date du 10 juin parlent de façon très juste d'un « échec cinglant des référendums promus par l'opposition » qui « renforce le gouvernement Meloni ». Mais si l'Humanité titre, elle aussi, sur ce même événement, c'est à regret, pour s'étranglant car « l’échec des référendums sur la naturalisation et le droit du travail [est] instrumentalisé par le gouvernement Meloni… »
En août 2022, Giorgia Meloni annonçait, au nom de Fratelli d'Italia ce qui allait devenir sa politique. Dans cet enregistrement, elle explique [en français : https://www.youtube.com/watch?v=1Rfa8lMWaYs&t=61s] « Nous sommes prêts à gouverner l'Italie. (...) Nous sommes prêts à inaugurer une nouvelle saison de stabilité, de liberté et de prospérité pour l'Italie. Que la gauche le souhaite ou non. »
Mais lorsqu'elle est devenue, le plus démocratiquement et légalement du monde, présidente du Conseil, les médias français, journaux comme télévisions, ont rivalisé pour dénoncer : « le retour du fascisme et de Mussolini en Italie » ; « une jeunesse passée à coller des affiches pour l'extrême-droite » ; et, bien sûr, « une régression sur le plan sociétal et des valeurs progressistes ».
Elle est au contraire parvenue à remettre de l'ordre dans les comptes publics, qu'elle a trouvé délabrées, et qui permettent aujourd'hui à son pays de dépasser aujourd'hui les prétendus Mozart de la Finance qui administrent le nôtre.
En ce printemps, elle vient donc aussi de remporter bel et bien, face à la manœuvre du double référendum, imaginée par ses adversaires, la plus éclatante des trois nouvelles victoires, que l'on se propose d'évoquer ici. Face à la gauche et aux macroniens locaux, elles marquent les succès de ce gouvernement et de sa présidente du Conseil. Car, bientôt 3 ans après sa victoire électorale de 2022, largement consolidée aux élections européennes de 2024, cette majorité de centre-droit s'est d'ores déjà inscrite dans la durée.
Rappelons donc les faits et les chiffres. La CGIL, centrale syndicale supposée majoritaire, homologue de notre CGT, s'était associée à la principale force de gauche, le parti « démocrate » ayant pour figure de proue la très emblématique Elly Schlein. Avatar du vieux parti communiste italien, ce rassemblement qui se veut assurément progressiste a récupéré, depuis 2007, les vieux rogatons de l'aile gauche de la démocratie chrétienne. Toute cette gauche s'était engouffrée dans un attelage organisateur d'un référendum en 5 questions.
Les quatre premières étaient alimentées par la vieille démagogie syndicale archaïque. L'emblématique camarade Schlein s'en était instituée porte-parole politique. Elle s'était notamment opposée, en 2014-2016, sous le gouvernement de la gauche réformiste, dirigé par Matteo Renzi, aux lois du Jobs Act, adoptées en modernisation du droit du travail. C'est à ce titre qu'en 2023 elle fut désignée secrétaire du parti démocrate, dont elle a fait la caisse de résonance de la CGIL. Et, dans cette logique, le référendum proposait d'effacer les dispositions réformistes prises 10 ans plus tôt par l'Italie.
Or, par surcroît, et sous prétexte de « faciliter la naturalisation et de révoquer des mesures de libéralisation du marché du travail » on imagina, par une cinquième proposition de faire censurer, grâce à l'électorat d'appoint d'opinion immigrationniste. Cette opération destinée au sauvetage de la vieille gauche fatiguée correspond à ce que préconise en France, de façon explicite depuis 2008, le fameux laboratoire d'idées, proche de notre parti socialiste, Terra Nova. Le plébiscite visait en fait à empêcher, sans élection représentative réelle, la majorité parlementaire de droite qui gouverne le Bel Paese.
Dans la constitution italienne le référendum d'initiative populaire n'a force de loi que si la participation électorale est supérieure à 50 %. Les droites avaient donc donné une consigne d'abstention. Or, après deux jours de votation le 9 juin au soir seulement 30,6 % des électeurs s'étaient déplacés pour mettre un bulletin dans l'urne. Pis encore, parmi ces électeurs de gauche, si quelque 15 % ont voté 'non' aux 4 premières questions, celles qui concernant le droit du travail, ce sont 36 % qui se sont prononcés contre l'assouplissement des conditions de naturalisation, 5e proposition... Si l'on préfère donner les résultats en valeurs réelles, on notera donc d'abord que, sur 51,3 millions d'électeurs italiens inscrits le nombre des abstentionnistes 35,3 contre 24,7 millions aux européennes de 2024, soit quelque 10 millions de citoyens supplémentaires, à avoir suivi la consigne des partis de droite.
Sentant se dessiner un raz de marée humiliant, le promoteur de la question n°5 « sur la citoyenneté » Riccardo Magi avait entrepris de dénoncer à l'avance « les manœuvres de la majorité pour “fomenter l’abstention”». Pour alerter l'opinion, ce député du petit parti radical, créé en 2019, associé au groupe macronien Renew Europe, il fit sensation le 14 mai au Parlement italien apparaissant, au nom de son « mouvement libéral, libériste, libertaire, sujet du Parti radical transnational »... déguisé en fantôme lors d’une séance de questions au gouvernement. Croyant sans doute bien faire et convaincre les électeurs, il s'était fait complaisamment photographier en compagnie du Nigérian Sonny Olumati, candidat à la naturalisation. Ces facéties provocatrices se sont révélées contre-productives : le nombre des 'non' à la question 5 fut de 5,2 millions contre 1,8 millions de votants s'étant prononcés pour le 'non' aux 4 questions sur le droit du travail. Celles-ci obtenaient 13 millions de oui, contre 9 millions à la question 5. Le secrétaire général de la CGIL, Maurizio Landini, promoteur des 4 questions « sociales » avait lui-même évalué au départ à 13 millions le nombre des salariés éventuellement bénéficiaires et soutiens de ses propositions. Ce qui revient à dire que 3,4 millions sur 13, soit le quart des travailleurs votant à gauche, refusent tout d'accorder la citoyenneté italienne à n'importe qui... la plus value électorale nette des immigrationnistes équivalant ainsi pratiquement à zéro...
Une semaine avant cette déroute de son opposition intérieure le gouvernement de Rome recevait notre irremplaçable Macron, à sa demande, au Palazzo Chigi. Un déplacement plutôt humiliant pour notre Jupiter national qui, de moins en moins crédible sur la scène internationale, cherche désespérément à retrouver des partenaires pour ses lubies, hélas changeantes. Avant de signer à Nancy le 9 mai le traité de coopération et d'amitié renforcées avec la Pologne, il fallait bien concilier l'interlocuteur transalpin pour « défendre l'Europe ensemble ». Une telle démarche, positive en elle-même, peut et doit mettre fin à la brouille sectaire orchestrée à Paris, par la gauche et la Macronie, contre l'Italie de Giorgia Meloni. Elle marque aussi la reconnaissance des succès de ce pays et de l'orientation politique qu'il a adoptée, tant dénigrée par notre bobocratie. Bien entendu de tout ce qu'a entrepris le gouvernement italien depuis 2022 ne saurait être tenu pour une réussite à 100 %. Sans surprise la magistrature syndiquée locale ou les reliquats mafieux entravent l'action nationale. Mais il est un fait que parallèlement à l'assainissement de ses finances l'Italie bénéficie d'un tissu puissant de petites et moyennes industries, entreprises à la fois familiales et dynamiques, échappant à la mainmise des technocrates... Résultat : une 4e place enviable dans la compétition internationale, avant le Japon, l'Inde... et la France.
Troisième victoire enfin : Rome, où fut signé le premier traité fondateur en 1956, ratifié par la France l'année suivante, se situe désormais à la tête d'un groupe de pays de plus en plus nombreux décidés à lutter juridiquement et concrètement contre l'immigration incontrôlée. C'est ainsi qu'une déclaration italo-danoise en date du 22 mai, protestant contre les dérives de la CEDH, juridiction internationale rassemblant 46 pays, dont la Turquie, la Bosnie-Herzégovine et l'Azerbaïdjan, est actuellement cosignée par 9 membres sur 27 de l'Union européenne soit, outre l'Italie et le Danemark, l'Autriche, la Belgique, l'Estonien, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la République tchèque. Ce groupe a vocation à devenir majoritaire au sein de l'Union européenne
Un accord qui pourrait faire date a également été signé avec la Grèce le 12 mai. Il porte sur de nombreux domaines techniques, en particulier dans le transport ferroviaire et la production d'électricité, définissant comme un point essentiel de convergence de la lutte contre l'immigration illégale que l'Italie a réduit de façon drastique et contre laquelle Athènes a mis en place depuis 2019 une politique exemplaire, tendant à une gestion rigoureuse des demandes d'asile et à la remigration. Cette ligne est représentée par l'actuel numéro 2 du gouvernement Makis Voridis, lui aussi vilipendé et diffamé par la bien-pensance à raison de son passé militant nationaliste et anticommuniste. Les deux nations, liés par quelque trois mille ans d'histoire, se savent aux premières loges face à la submersion migratoire.
Oui, Jules Torres peut l'écrire à bon droit « l'Italie est la nouvelle grande d'Europe » [in JDD News du 12 juin], et la préoccupation fondamentale de sa présidente est de reconstruire l'unité de l'occident.
JG Malliarakis
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